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La violence conjugale sur le territoire de Montréal : 25 ans de réflexion, d’action et de concertation

L’adoption de la toute première politique québécoise en matière de violence conjugale en 1985 par le ministère de la santé et des services sociaux - la Politique d’aide aux femmes violentées – a aussi marqué le coup d’envoi de la concertation en matière de violence conjugale sur le territoire montréalais. Identifiée comme l’un des objectifs opérationnels de cette politique, la concertation était mentionnée comme une « garantie que les différents services, dispensés à travers le réseau public, répondront véritablement aux besoins des femmes violentées, sans duplication et dans une perspective unifiée ». (MSSS, 1987 :36).

Dès 1986, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (SPCUM) lance une invitation à divers partenaires afin de créer une Table d’information en matière de conflit intrafamilial sur le territoire de la communauté urbaine de Montréal. La Table, déjà formée des principaux acteurs sociaux et juridiques en matière de violence conjugale, constituera un lieu d’échange et d’information. Elle priorisera également diverses actions. Une de ses premières actions permettra l’élaboration d’une procédure d’intervention policière en contexte de violence intrafamiliale. La Table se préoccupe également d’arrimer les services et les ressources aux besoins des victimes et ce, dans une perspective de complémentarité.

Un bilan des 25 ans de concertation en violence conjugale

Les premières retombées de la concertation régionale

Quelques années plus tard, en 1990, la Table change de nom et devient la Table de concertation en matière de violence conjugale du territoire de la communauté urbaine de Montréal. Elle précise sa mission et structure davantage les objectifs qui en découleront. Au cœur de sa mission, nous retrouvons « la concertation des organismes œuvrant auprès des personnes aux prises avec la violence conjugale en suscitant une reconnaissance et un respect mutuel basés sur des objectifs communs ». L’un de ses objectifs se formule ainsi : « favoriser le partenariat, la coopération et la complémentarité des services dans une démarche globale d’analyse et d’action visant l’élimination de la violence conjugale ». Cette formulation a fort bien résisté au passage des années et trouve toujours sa pertinence plus de 20 ans plus tard puisqu’elle constitue toujours l’un des objectifs de la Table.

Durant cette même période et au cours des années subséquentes, les membres de la Table élaborent conjointement diverses initiatives et projets visant à combler des besoins de différents ordres. De la formation est conçue et dispensée aux policiers afin d’élargir leur compréhension de la problématique et d’améliorer leur intervention tout particulièrement auprès des victimes. Le protocole de collaboration SPVM/CLSC (Service de police de la ville de Montréal/Centre local de services communautaires) est élaboré et mis en place au début des années 90. Ce protocole permet aux policiers d’offrir des services de consultation psychosociale, de référence et de soutien aux victimes de violence conjugale et familiale en les référant aux CLSC, lorsque celles-ci y consentent. La Table a également supporté l’implantation du protocole SAUVER (Système d’intervention rapide pour contrer la violence familiale) sur le territoire montréalais. Ce protocole, toujours en vigueur, établit diverses modalités permettant de rendre gratuitement disponible un dispositif d’alarme portatif à des victimes de violence conjugale. Ce protocole est géré conjointement par la compagnie d’alarme ADT, le SPVM, les maisons d’hébergement et les CLSC.

La Table a également été à l’origine de la création de Communi’Action. Ce service, parrainé et lancé par le SPVM et appuyé par SOS violence conjugale depuis décembre 1994, est dispensé depuis l’an 2000 par Côté Cour en collaboration avec le Bureau des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et le SPVM. Il permet de transmettre les conditions de remise en liberté aux victimes de violence conjugale et familiale dont la cause a été entendue par la Cour. Lors de ce premier contact téléphonique, une évaluation psychosociale des situations de violence conjugale est aussi réalisée par les professionnelles du service afin de vérifier l’état général de la victime et de ses enfants, la sévérité de la violence conjugale et les risques de récidive.

Le début du financement

Concurremment avec l’adoption de la politique gouvernementale d’intervention en matière de violence conjugale Prévenir, dépister, contrer la violence conjugale en 1995, la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal (devenue l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal depuis 2006) identifie la violence conjugale comme l’une des priorités régionales majeures. Les membres de la Table se mobilisent donc afin d’identifier les besoins prioritaires sur le territoire montréalais. L’absence de coordination entre les services destinés aux enfants exposés à la violence conjugale, voire l’invisibilité de cette problématique, est alors identifiée comme l’une des deux priorités. La deuxième prend en compte la composition multiethnique de la population montréalaise et les besoins plus spécifiques d’information, de sensibilisation et d’adaptation des services en matière de violence conjugale auprès des communautés ethnoculturelles.

Ce n’est qu’à la fin des années 90 que la Table bénéficie, pour la première fois, d’un financement lui permettant d’embaucher du personnel à la coordination et de mener divers projets. Au fil de ces années, cinq coordonatrices se sont succédées pour veiller à l’activation du plan d’action, à consolider et à développer la Table. En 2003, elle demande son incorporation et peut ainsi administrer elle-même ses propres subventions. Du même coup, la vie associative s’intensifie. De nombreuses réalisations ont ainsi marqué la croissance de la Table au cours de cette période. Parmi celles-ci, soulignons notamment l’organisation et la tenue de journées d’étude Pour les enfants témoins et/ou victimes de violence conjugale : Vers une intervention en concertation (octobre 2000); Les enfants exposés à la violence conjugale : consolidons nos liens (nov. 2003); La prise en compte de la diversité religieuse et culturelle dans l’offre de service en violence conjugale (nov. 2007); les hommes subissant la violence conjugale (octobre 2009); la violence conjugale chez les lesbiennes (mars 2010); les femmes sourdes en contexte de violence conjugale (sept. 2010); de colloques : Sous le poids du silence – colloque régional sur les enfants et la violence conjugale (nov. 1999). Différents visages de la violence conjugale (avril 2006). Plusieurs activités de formation ont également été élaborées et offertes dont la session intitulée La violence conjugale en milieux ethnoculturels : dépister pour mieux intervenir (2000). La violence faite aux femmes : intervenir en contexte ethnoculturel continue d’être offerte annuellement depuis sa conception en 2002, puisque le besoin d’adaptation des services à l’égard des communautés ethnoculturelles est toujours présent sur le territoire montréalais.

Un partenariat en action

L’implication des membres et les travaux menés au sein des divers comités de travail ont également encouragé l’émergence d’initiatives et de projets tants novateurs que mobilisateurs et dont les impacts favorisent à la fois l’information et la sensibilisation à l’égard de la problématique, la protection des victimes, la concertation des différents acteurs et l’amélioration des connaissances et de l’intervention en matière de violence conjugale. À cet égard, l’élaboration, l’adoption, la mise en œuvre et le déploiement sur le territoire montréalais du Protocole de collaboration intersectorielle pour les enfants exposés à la violence conjugale auprès de 6 partenaires communautaires et institutionnels constitue une pièce maîtresse dans l’action menée par la Table au cours des 12 dernières années. Ce protocole vise, pour l’essentiel, à mobiliser les différents partenaires afin qu’ils répondent rapidement, judicieusement et de façon cohérente et concertée aux besoins des enfants exposés à la violence conjugale.

Sur un plan plus créatif, la Table a conçu et produit 3 capsules vidéo de sensibilisation sur la réalité de différentes personnes marginalisées et qui sont aux prises avec la violence conjugale. Par cette production, nous voulions démontrer l’isolement vécu par ces personnes, les enjeux reliés à la demande d’aide et les stratégies qui peuvent être déployées lors d’une intervention. Ces capsules ont été traduites et sous-titrées en langue anglaise, diffusées, notamment, sur le site Internet de la Table et visionnées plusieurs milliers de fois depuis leur lancement à l’automne 2008. Ce projet a également été finaliste 2010 du Prix Égalité dans la catégorie Prévention de la violence.

L’action politique

La composition multisectorielle de la Table l’a également amenée à développer une analyse des enjeux traversant la problématique et à formuler des recommandations aux instances politiques. La Table a ainsi adopté à l’automne 2006 une position commune relative aux droits d’accès supervisés en situation de violence conjugale. Le rapport proposait notamment la mise sur pied d’un organisme ayant plusieurs points de services sur le territoire montréalais et qui aurait pour mission unique l’offre de services en supervision de droits d’accès. Ceci assurant le développement d’une expertise autour des enjeux associés à la problématique de la violence conjugale et à celle des enfants qui y sont exposés. Forte de l’appui de ses membres, la Table poursuit son travail de représentation afin de veiller à la mise en œuvre de ces recommandations.

La Table a participé en 2009 et plus récemment au printemps 2011 aux travaux entourant le bilan sur le plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale 2004-2009 et sur l’élaboration du plan 2011-2015. Le plus récent exercice prenait appui sur celui que la Table venait elle-même de mener dans le cadre de sa démarche de planification triennale 2011-2014 lui permettant d’identifier les priorités en matière de violence conjugale pour Montréal.

Ces priorités s’attachent à consolider la concertation régionale multisectorielle en matière de violence conjugale à Montréal; à favoriser une démarche globale d’analyse et d’actions de la problématique et enfin à prendre en compte les besoins spécifiques des différentes populations en contexte de violence conjugale. Ayant trouvé son rythme de croisière, établi sa vision et ses priorités et obtenu depuis les toutes dernières années du financement récurrent et une reconnaissance des différents partenaires sociaux, politiques et financiers, la Table peut envisager de poursuivre son travail avec toute la rigueur et la volonté qui anime ses 30 membres issus des différents secteurs pertinents à la problématique.